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Les peuples européens ne souffrent pas à cause de l’Europe. Au contraire, ils souffrent à cause du trop peu d’Europe. Ce traité, comme les précédents, est l’objet d’oppositions infondées basées sur le repli sur soi et un protectionnisme qu’il serait de toute façon bien irréaliste de rétablir dans un monde globalisé. Seconde partie.
Après avoir évoqué le déficit de démocratie sur l’Europe, entrons dans le vif du sujet, à savoir le contenu du Traité sur la solidarité, la coordination et la gouvernance du 2 mars 2012.
Victime expiatoire
Dans l’émission "ça vous regarde" diffusée sur LCP le 1er octobre 2012, l’ancienne Présidente du Parlement européen Nicole Fontaine faisait remarquer à son interlocuteur, Philippe Poutou, ancien candidat de NPA à l’élection présidentielle, que l’Europe était prise injustement comme un bouc émissaire en lui reprochant tous les ennuis économiques du moment.
L’exemple était flagrant puisqu’il s’agissait de la fermeture définitive des hauts-fourneaux à Florange (confirmée formellement le lendemain) par le groupe Arcelor qui a été racheté par Mittal. Or, ceux qui critiquent l’Europe lui font porter des charges qui ne correspondent justement pas à ses attributions : Mittal a racheté Arcelor à l’occasion d’un accord avec trois gouvernements nationaux (qui, eux, doivent en assumer les conséquences). Jamais l’Union Européenne n’a été impliquée dans cette situation. On aurait même peut-être dû l’impliquer.
Le concept de souveraineté partagée
Ceux qui ont peur d’une perte de la souveraineté nationale n’ont surtout pas compris qu’il n’y a plus de souveraineté si c’est celle du petit face aux gros. Or, dans le secteur industriel, avec les concentrations monstrueuses, il n’y a plus place aux petits. L’Union Européenne existe justement pour mutualiser les atouts de ses membres et les démultiplier. Il ne s’agit pas de perte de souveraineté, il s’agit de souveraineté partagée, mutualisée pour accroître la force de frappe au sein d’un monde sans complaisance dans la compétition économique.
À cet égard, l’euro a été une grande réussite. Imaginez un instant qu’il n’y ait pas eu l’euro lors de la crise de septembre 2008, puis lors des crises des dettes souveraines depuis mai 2010 ! Le franc aurait chuté inexorablement, le commerce extérieur ne se serait pas pour autant relevé car les taux auraient monté et la confiance des marchés se serait effondrée. Rappelons que les marchés, c’est nous ! C’est celui qui a épargné un peu sur son assurance-vie par exemple, en prévision de coups durs (une chaudière qui lâche, une voiture qui tombe en panne, ou encore, un licenciement). La France est l’un des pays qui épargnent le plus, d’ailleurs, au contraire des États-Unis. Aujourd’hui, l’euro tient grâce au dynamisme économique del’Allemagne. Et la France, en s’acheminant dans la voie du désendettement, rassure autant que l’Allemagne pour l’instant (les taux d’intérêts sont même négatifs !).
Du reste, le Conseil Constitutionnel a explicitement notifié le 9 août 2012 qu’il n’y aurait pas de perte de souveraineté en adoptant le traité budgétaire européen. Et heureusement, car le budget d’un État reste de sa prérogative exclusive.
La liberté décisionnelle de chaque État est en effet mise en évidence par le traité : « nécessité de respecter, dans la mise en œuvre du présent traité, le rôle spécifique des partenaires sociaux, tel qu’il est reconnu dans le droit ou les systèmes nationaux de chacune des parties contractantes ». De plus, l’article 3 du traité précise clairement : « [Le] mécanisme de correction respecte pleinement les prérogatives des parlements nationaux. ».
Solidarité entre les peuples
Le principe du mécanisme prévu par le TSCG, c’est presque du communisme ! C’est de rendre solidaire l’ensemble des signataires si l’un deux a de gros soucis pour rembourser sa dette. C’est une mesure visant essentiellement à enrayer la spéculation contre les États, comme la Grèce, l’Irlande, le Portugal et aussi l’Italie et l’Espagne en ont été victimes. Une solidarité entre les peuples, voilà ce que propose avant tout le TSCG.
C’est normal que chaque signataire s’assure que ses voisins répondent à un minimum de conditions, et prennent leurs responsabilités puisque son avenir dépend aussi d’eux. Après tout, qui peut parler d’ingérence dans la vie personnelle lorsqu’on signe un contrat avec une banque ? Pourtant, on doit en remplir, des conditions, et en donner, des informations très personnelles, pour rassurer la banque.
Mais aucun État n’oblige aucun autre. Il n’y a aucune perte de souveraineté car aucun organisme n’empêche le libre arbitre de chaque État de s’exercer. Après tout, si les taux flambent, et qu’il n’a pas été sérieux d’un point de vue budgétaire, l’État isolé devra bien se débrouiller tout seul. Ce n’est pas un hasard si la Grèce, le Portugal, l’Espagne et l’Italie font partie des premiers pays à ratifier le traité.
Alors, la question qui vient est :
Le TSCG est-il antidémocratique ?
Et ma réponse est non doublement. Non en Europe et non dans chaque État.
Dans l’Union Européenne, le traité va donner les cartes uniquement au Conseil européen, donc à l’ensemble des gouvernements nationaux qui ont été choisis démocratiquement par leur peuple, au détriment de la Commission européenne qui est un organe composé uniquement de membres nommés (des commissaires) qui n’ont aucune légitimité populaire : « Les chefs d’État ou de gouvernement des parties contractantes dont la monnaie est l’euro se réunissent de manière informelle lors de sommets de la zone euro auxquels participe également le Président de la Commission européenne. ».
De plus, le fonctionnement correspond à une démocratie parlementaire classique : « Le président du sommet de la zone euro présente un rapport au Parlement européen après chaque sommet de la zone euro. ».
Le TSCG va aussi renforcer la démocratie à l’intérieur de chaque État puisque les parlements nationaux vont être confortés dans leur rôle de contrôle des gouvernements durant la définition et l’exécution des budgets nationaux : « Le Parlement européen et les parlements nationaux des parties contractantes définissent ensemble l’organisation et la promotion d’une conférence réunissant les représentants des commissions concernées (…) afin de débattre des politiques budgétaires et d’autres questions régies par le présent traité. ».
De plus, il n’y a pas besoin d’un traité européen pour s’imposer un peu de discipline budgétaire et la loi de finances 2013 n’a pas été influencée par ce traité, ni les futures lois de finances qui garderaient cette exigence même si le traité n’était pas adopté. Il est quand même facile de comprendre que la réduction du déficit public est une priorité nationale car elle correspond à l’intérêt général. On ne peut pas sans accroître la dette (lire ce précieux témoignage). Sur les critères de convergence budgétaire, le TSCG ne bouleverse d'ailleurs pas la règle du pacte de stabilité qui date de 1997.
Un fédéralisme antieuropéen ?
C’est d’ailleurs assez étrange d’entendre le très actif président du groupe EELV au Sénat, Jean-Vincent Placé, s’emmêler sur France Inter le 24 septembre 2012 en affirmant qu’il était un fédéraliste européen (d’accord pour que la France ne soit qu’une province européenne) et refuser le TSCG. Que ce traité ne permettrait pas la définition d’une politique budgétaire européenne (alors que c’est mieux que maintenant !) et qu’il voterait même le projet de loi de finances pour 2013.. Très actif président mais un peu isolé dans son groupe sénatorial car Jean-Vincent Placé va être quasiment le seul de son groupe à voter non au TSCG.
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